Euro Détachement

 

Agir en amont des prestations de service : de nouvelles pratiques se développent

Le détachement de travailleurs, quand on l'examine dans sa dimension temporelle interroge trois types d'action possibles, en amont de la prestation de service, au cours de la situation proprement dite de détachement lorsque les travailleurs sont sur les lieux de travail dans un pays d'"accueil", et après le déroulement de la prestation. Les administrations compétentes sur le détachement s'organisent au plan national en définissant des cadres d'action dont les configurations organisationnelles sont variables (spécialisation ou non d'agents de contrôle, bureau de liaison unique ou bureau de liaison national associé à des bureaux déconcentrés…). Pour prévenir et lutter contre les fraudes et les irrégularités, elles définissent également, souvent sous la forme de conventions et d'accords de partenariats, des cadres de coopération, inter institutionnelle avec les autres autorités publiques concernées, et tripartite avec les partenaires sociaux.
Au sein et par-delà ces cadres organisationnels et institutionnels, des démarches anticipant la réalisation des prestations de service sont à l'œuvre.
Ces pratiques émergentes poursuivent le but :

  • de sécuriser les prestations de service et leurs effets sur les conditions d'emploi et de travail des travailleurs détachés ;
     
  • de prévenir et éviter les pratiques de fraude ou de contournement des dispositions de la Directive 96/71/CE.
Ces initiatives mobilisent les partenaires sociaux, les autorités publiques mais aussi les donneurs d'ordre et les entreprises, dans l'exploration de marges de manœuvres que l'on peut qualifier de "stratégiques".

Elles s'appuient en effet tendanciellement sur le retour d'expérience et sont orientées vers la "recherche de solutions", en mettant en place des dispositifs et des outils opérationnels de détection et d'analyse des situations, de prévention, de surveillance et de suivi.
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Vers de nouveaux modes d'action

Parmi les différents "effets leviers" recherchés on peut identifier trois modes d'action privilégiés sur lesquels reposent ces démarches d'anticipation.

L'action dès la conception des opérations de construction

Le contrôle et la surveillance des lieux de travail s'ils sont indispensables, interviennent sur des opérations déjà structurées, alors même qu'un certain nombre de déterminants pèsent sur la qualité des prestations de services et que les conditions de travail et d'emploi se mettent en place en amont du démarrage de ces opérations.
Dans le cas des chantiers de construction, c'est un ensemble de facteurs économiques, techniques, organisationnels, juridiques et sociaux qui entrent en ligne de compte, et dont la combinaison va déterminer les conditions de réalisation du projet. La réalisation de l'opération répond à des objectifs de coûts, de qualité et de délais. L'évaluation et la détermination de ces objectifs va, dès la conception du projet, peser sur les conditions de recrutement et d'emploi des travailleurs, sur les conditions de réalisation du travail. Pour les grands projets de construction, le process de travail est particulièrement dépendant des dimensions contractuelles et financières. Il l'est également au regard des dimensions techniques et industrielles. Le client, appelé en français "maître d'ouvrage", "commanditaire" de la construction exige de plus en plus clairement un service dont l'ouvrage de construction, est une "base matérielle".

op.cit p.54 Jean Carassus "Construction : la mutation – de l'ouvrage au service"
- Presse de l'Ecole Nationale des Ponts et Chaussées – 2002

Dans leur mise en œuvre, ces projets donnent lieu, pour des raisons éminemment complexes, à des retards, des surcoûts… auxquels sont souvent associés de mauvaises conditions de travail. L'exemple du chantier de la centrale nucléaire Olkiluoto 3 en Finlande est particulièrement illustratif. Le projet initié estimé à l'origine à 3,5 billions d'euros est aujourd'hui évalué à 8,5 billions d'euros. Commencé en 2005, la mise en service commerciale n'est attendue qu'à partir de 2016. En 2006, de sérieux problèmes techniques affectent les travaux de soudure du couvercle du réacteur pour lesquels intervient une entreprise polonaise, de surcroît avec une méthode de travail inadaptée.

Site OL3 Finlande

Plusieurs mois seront nécessaires pour résoudre l'impossibilité mutuelle du client et du contractant principal à trouver une solution qui in fine a consisté à refaire les travaux. S'opère ainsi une réévaluation des objectifs initiaux au cours du déroulement de telles opérations pour lesquelles la complexité de l'organisation se conjugue avec le recours à des prestations transnationales multiples de sous-traitance : le chantier finlandais mobilise plus de 2000 entreprises, près de 30 000 travailleurs de 60 nationalités différentes. Le chantier de Flamanville de construction d'un EPR en France a donné lieu à 150 contrats principaux et occupé près de 600 entreprises en 2012 , 3000 salariés sur site dont 900 travailleurs étrangers, essentiellement polonais, portugais, roumains. Au total, des travailleurs de 27 nationalités interviennent sur le projet.

Site Flamanville France

Agir dès la phase de conception et des études préliminaires (on peut se référer aux phases esquisse, d'Avant-Projet Sommaire, d'Avant-Projet Détaillé), constitue donc un levier pour sécuriser les prestations de service transnationales et par voie de conséquence garantir les conditions de travail et d'emploi des travailleurs.

L'action dans la durée

Il s'agit aussi en terme opérationnel d'élaborer des "solutions" qui permettent d'agir tout au long de la durée de vie du projet de construction (voire même au-delà lorsqu'il s'agit de futurs exploitations industrielles nécessitant des travaux de maintenance) en mettant en place des mécanismes d'information, de dialogue, de suivi et de surveillance. La construction de ces solutions résulte, en tout état de cause pour le cas des "grands chantiers" présentés au cours du projet, du retour d'expérience des acteurs parties prenantes des difficultés rencontrées dans le process de travail. L'enjeu est bien entendu lié à la complexité d'un "pilotage global" impliquant une grande diversité d'acteurs. Mais il est également d'autant plus important que l'ensemble des parties prenantes, allant en quelque sorte du maître d'ouvrage jusqu'au salarié travaillant sur le chantier, prend de fait un caractère transnational avec ses conséquences. A cet égard, l'analyse des difficultés rencontrées et les enseignements que tirent l'organisation professionnelle, l'organisation syndicale de salariés et les autorités publiques sur la centrale Olkiluoto 3 sont illustratives. Les difficultés "réciproques" rencontrées sont "inédites" dans le contexte finlandais : différence de culture en termes de méthode de travail, avec le management du contractant principal (dont l'expérience antérieure était dans les pays du Golfe), turn-over des salariés étrangers, difficultés linguistiques mais aussi salariés qualifiés d' "invisibles" et craintifs - sur ce point, voir également

Information travailleurs Belgique

Les solutions mises en œuvre et envisagées pour le futur relèvent de plusieurs registres :
  • informer sur la législation et les "droits à l'emploi" avec des dépliants intelligibles, facilités de contact sur le chantier, journée ou séminaire de conseil et d'orientation de prévention sur les questions de santé et sécurité au travail,
  • agir de manière coordonnée pour les autorités publiques, notamment sous la forme d'inspections conjointes,
  • mais aussi mieux coopérer, dès l'amont du chantier et dans la durée, avec des contacts et des réunions régulières,
  • plus globalement développer, créer collectivement de "nouvelles" solutions à partir de l'expérience acquise.
D'autres initiatives à la fois sectorielles et/ou territoriales illustrent la volonté de trouver des leviers d'action qui ne soient pas ponctuels et permettent de structurer des actions sur le moyen terme, en escomptant une plus grande efficacité.
Exposés au phénomène de concurrence déloyale sur un territoire, confrontés à un chômage important, les acteurs de la province du Hainaut ont mis en place, sous la forme d'une convention territoriale, un dispositif pour lutter contre le dumping social, améliorer l'image du secteur (la construction) et responsabiliser tous les acteurs concernés.

Convention Hainaut Belgique

Si l'accord, conclu à la fois par les autorités publiques et les partenaires sociaux, prévoit des actions spécifiques, il repose sur une organisation qu'ils souhaitent "durable", notamment avec un comité réuni mensuellement. Mis en place depuis 2009, ce partenariat multipartite entend, dans la durée, faciliter les contacts, renforcer les collaborations inter institutionnels et les échanges d'informations pour déterminer des actions spécifiques.
Outre la détection des situations de fraude et un volet répressif (voir plus bas), il comporte un volet préventif avec l'organisation de campagnes d'information et de sensibilisation, de journées d'étude et de formation en direction des entreprises, des donneurs d'ordre, des travailleurs salariés et indépendants, et avec la mise en place d'un groupe spécifique sur le détachement des travailleurs.
Le bureau néerlandais de contrôle de l'application de la réglementation dans le secteur des agences de travail temporaire aux Pays-Bas a été créé en 2004.

Bureau de contrôle néerlandais

L'initiative vise au départ le respect des conditions de travail fixées par convention collective. Sa création a également été motivée par le désir commun aux partenaires sociaux de lutter contre la concurrence déloyale et le dumping social dans le secteur. Le bureau diffuse de l'information (en deux et trois langues), procède à des enquêtes et des contrôles, entame des procédures légales, assure le suivi de dossiers, et réalise des analyses d'évaluation des risques. Comme la convention multipartite de la province du Hainaut, cette initiative sectorielle, en revanche paritaire, cherche, par un dispositif partenarial, à agir dans la durée, en combinant des actions préventives à des actions de contrôle et de mise en conformité. A cet égard, le gouvernement néerlandais reconnaît le rôle du bureau, tout comme l'échange d'informations du SNCU avec les services d'inspection.

L'action sur des périmètres cernés et pertinents

Cerner des périmètres pertinents est un 3ème mode d'anticipation. Cibler l'action sur des projets d'infrastructures majeurs dans la construction, des opérations d'envergure dans l'agriculture (campagnes de cueillettes), sur des territoires (province du Hainaut), sur l'ensemble d'une filière ou d'un secteur (Bureau de contrôle aux Pays Bas) permet d'attendre plus d'impacts.
Dans un cas, il s'agit de partir de l'identification d'opérations repérables, potentiellement porteuses de situations à "effet de levier". Si le système sectoriel de la construction s'avère hétérogène et fragmenté, par contraste, les grands projets, notamment d'infrastructures industriels ou de génie civil, pour lesquels les commanditaires sont publics et/ou privés, sont bien souvent prévisibles. De même, dans l'agriculture, la saisonnalité d'une partie des activités conduit par exemple à des opérations temporaires mais récurrentes nommées "campagnes" de cueillette ou de récolte. Elles-mêmes insérées dans des filières de distribution et de commercialisation nationales et transnationales, ces opérations sont également repérables et prévisibles. Leurs volumes de production attendus sont propice à un fort appel de main d'œuvre qui, dans bien des cas, n'est pas couvert par la main d'œuvre locale et/ou suscite, par la pression sur les coûts, le recours à une main d'œuvre "à bon marché".
Dans un autre cas, ce sont les acteurs qui s'organisent au niveau territorial et/ou sectoriel pour orienter leur action sur des "cibles" identifiées. Pour mieux déceler mais aussi anticiper les situations problématiques, le programme de travail de la convention du Hainaut prévoit l'analyse des contrats conclus entre les maîtres d'ouvrage et les contractants, entre les entreprises générales et leurs sous-traitants. L'analyse consiste à mettre en regard le prix, le délai, le volume de la main d'œuvre, le volume de prestations fixé,…pour en déduire un possible recours à du travail illicite.
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Vers de nouvelles marges de manœuvre

Mieux connaître le phénomène du détachement

Anticiper, prévenir, nécessite de cerner le phénomène du détachement, d'en comprendre les évolutions à travers la détection des situations pour lesquelles le recours aux travailleurs détachés est potentiellement problématique.
Ce repérage va bien au-delà de la connaissance des flux de travailleurs issus des statistiques basées sur les A1 édités par la Commission européenne. Il nécessite une connaissance quantitative et qualitative. Les études menées au plan européen se heurtent à la complexité des montages économiques et juridiques, à leur labilité, au périmètre nécessairement transnational de l'analyse. Se posent en outre les difficultés du "thermomètre", autrement dit des capteurs et des outils de mesure utilisés, et le besoin de mutualisation des données (voir "repérer - mutualiser : des outils d'appui au contrôle" - dans "Surveiller Contrôler") Les actions recensées et présentées au cours du projet témoignent néanmoins qu'un ensemble d'initiatives au plan européen ou national visent ou peuvent être de nature à mieux cerner le phénomène du détachement.

Study on the economic and social effects associated with the phenomen of posting of workers in the EU
- Final report VT/2009/062 European Commission

Les réponses des Etats membres partenaires aux questionnaires de l'enquête préalable (menée au démarrage du projet), font apparaître que les rapports d'intervention des inspecteurs du travail délivrent quantités d'informations sur la situation des travailleurs détachés et des prestataires, ainsi que sur les manquements en termes de conditions de travail et d'emploi.
Sont ainsi décrits et reconstitués, à partir des informations dont disposent les agents de contrôle, les montages juridiques et économiques observés, les secteurs ou territoires concernés, et la nature des investigations effectuées. L'exploitation de ces données permet d'identifier et cerner les situations ainsi que la nature des problèmes sur lesquels il faut agir.
Au plan national, les autorités publiques sont en mesure de jouer un rôle d' "observatoire" dans le cadre de la lutte contre le dumping social :
  • En France, l'Office Central de Lutte contre le Travail Illégal (OCLTI), rattaché à la Direction Générale de la gendarmerie et composée d'une cellule inter institutionnelle, procède à des analyses de situations complexes.
     
  • En Belgique, une coordination des dossiers transrégionaux vise les dossiers de fraude sociale "à grande échelle".




     
  • En Finlande, l'"Unité économie grise" du ministère des Finances produit des analyses et diffusent des données en direction des de l'ensemble des autorités publiques concernées.
Les partenaires sociaux sont également porteurs d'initiatives.
  • En Finlande toujours, la Confédération des Industries diffuse chaque année depuis 5 ans, sur la base d'une enquête auprès de ses adhérents, des données sur l'évolution des prestations de service des entreprises étrangères. Ces données sont utilisées par les autorités publiques.


     
  • En Belgique, la convention multipartite de la province du Hainaut prévoit que le bureau fédéral d'orientation du Service de Recherche et d'Information sociale apporte notamment son soutien à l'action des services d'inspection en réalisant des études et analyses (notamment en terme de méthodologie de contrôle, de croisement de banque de données, de phénomène de fraude).
La FIEC et la FETBB ont réalisé, avec le soutien financier de la Commission européenne, une étude comparative de 11 Etats membres sur le travail indépendant et le faux travail indépendant dans le secteur de la construction

Synthèse de l'étude FETBB FIEC sur le travail indépendant

question nodale que l'on retrouve dans plusieurs des cas d'espèce présentés dans les ateliers transnationaux :

Cas pratiques Pologne

Cas pratique Estonie

Synthèse - Jan Cremers

Ouvrir de nouvelles voies pour la négociation ?

Les travaux de construction de l'EPR de Flamanville en France ont commencé en 2007. Le futur site nucléaire a bien les caractéristiques d'un "grand chantier" avec l'intervention de centaines d'entreprises contractantes et sous-contractantes et de milliers de salariés relevant de dizaine de nationalités différentes. Face aux problèmes rencontrés, notamment plusieurs évènements "critiques" en 2011 (voir "Constats et motivations" - Régulation sociale sur un grand chantier : l'expérience de Flamanville (France) / PrévenirFlamanville_FR), le maître d'ouvrage et les organisations syndicales activent une instance spécifique paritaire dont la mise en place remonte à en 2008. L'ambition commune est de faire une instance d'information mutuelle centrée sur les lieux de travail pour permettre une expression des salariés sur leurs conditions de travail et de vie. Cette démarche "négociée", qui résulte d'un processus où convergent à la fois l'intérêt du maître d'ouvrage d'une meilleure maîtrise "social et sociétal" du chantier et des actions conduites par la partie faisant état des problèmes de conditions de travail et de vie sur le chantier, débouche donc sur une instance de concertation.
L'ambition est d'adopter une approche intégrée, prenant en compte les conditions de travail et des conditions de vie sur le chantier mais le besoin d'anticiper l'accompagnement de "l'après chantier".
Concrètement, le cadre est à la fois fonctionnel et opérationnel :
  • fonctionnel, parce que le lieu est "élargi" à d'autres parties prenantes, le Président de l'Association Inter- entreprises en charge des questions des conditions de vie sur le chantier (hébergement, restauration, transport), le Président de l'instance légale en charge des questions de sécurité au travail (Collège Inter entreprise), les autorités publiques en tant qu'organismes de contrôle ;
     
  • opérationnel, parce que le partage d'informations et la concertation sont orientées sur la résolution des problèmes : allocation de moyens aux syndicats, mise en place d'un système de contrôle et de surveillance de l'accès au chantier, guide et site d'information pour les travailleurs du site sur leurs droits et devoirs, services visant l'amélioration des conditions de vie sur le chantier.
A travers cette initiative, tout comme celle de la centrale Olkiluoto 3 en Finlande, se dégage d'abord l'intérêt de l'engagement du "client", maître d'ouvrage, comme acteur clef d'une régulation sociale - voir également

"les donneurs d'ordre : un acteur clef" (dans le paragraphe 3 de l'analyse "informer, sensibiliser, accompagner").

Mais le corollaire, en tout cas dans les expériences présentées au cours du projet, c'est l'importance de l'action syndicale sur un périmètre nécessairement "transnational", puisque c'est bien les conditions de travail et de vie de l'ensemble des travailleurs étant amené à intervenir sur le chantier dont les conditions de travail et de vie qui est en cause.

Ces initiatives sont-elles porteuses de nouvelles voies de négociation sociale au plan transnational ?
Un cadre communautaire existe avec la mise en place des comités d'entreprises européens Directive 94/45/CE.
Les directions centrales de nombreux groupes à dimension européenne et internationale et les organisations syndicales de salariés relevant de différents Etats membres ont aujourd'hui l'expérience d'un "dialogue transnational", en ayant appris progressivement un nouveau type de dialogue, de maillage des points de vue et des intérêts. Mais le périmètre de l'instance reste bien celui de "l'entreprise", et l'unité de lieu de travail que constitue un chantier mobilisant les salariés de multiples nationalités, convoqués par une sous-traitance internationale, est une nouvelle configuration en devenir. Cette nouvelle donne interroge à la fois les autorités publiques, les donneurs d'ordre privés et publics, les professionnels de la construction et les organisations syndicales des pays "d'accueil" des chantiers…. et des pays "d'envoi" des travailleurs détachés.

Mobiliser de nouvelles parties prenantes ?

Les expériences présentées au cours du projet ont été l'opportunité de partager entre autorités publiques et partenaires sociaux "l'état des pratiques". Face à de nouvelles configurations dont la dimension transnationale apparaît centrale, ces pratiques sont loin d'être statiques. Les acteurs recherchent de nouveaux modes d'action (voir également "agir au plan transnational"), allant, pour prendre l'exemple des partenaires finlandais, à explicitement affirmer leur volonté commune de créer de nouvelles manières de penser, de nouvelles solutions :

Site OL3 Finlande

Néanmoins, les acteurs inscrivent leurs pratiques et recherchent des leviers d'action dans les cadres institutionnels existants. Dans une perspective d'anticipation, sur le moyen terme, peut-on identifier d'autres parties prenantes dont la mobilisation pourrait ouvrir des marges de manœuvre ?
L'exercice consiste, comme l'a souligné Virginie Xhauflair (L.E.N.T.I.C. -Université de Liège) lors du premier atelier transnational consacré à la construction, à prendre en compte la complexité des évolutions organisationnelles et d'en examiner les incidences :
  • sur le périmètre des parties prenantes (constant, élargi ?),
  • sur la manière dont se (re) distribuent les rôles des différentes parties prenantes,
en portant un regard, au-delà même de l'application des règles, sur les modèles sous-jacents aux cadres d'action existants.
" Le cadre réglementaire qui régit les rapports de travail dans nos sociétés est à la fois binaire (il repose sur une base à deux éléments : le statut du salarié et le statut d'indépendant), bilatéral (il ne prend en compte en considération que la relation contractuelle entre le salarié et l'employeur) et standardisé (il favorise le contrat de travail à temps plein pour une durée déterminée)"

"Le réseau et la régulation sociale" Rapport de recherche – LENTIC 2004

Ce constat, basé sur la relation classique d'emploi salarié-entreprise, est réinterrogé à travers la recherche de nouveaux périmètres pertinents : le site, le territoire, comme en témoignent les initiatives précédemment citées. Il l'est aussi avec une problématique déjà évoquée plus haut, "la situation emblématique des "faux indépendants" illustrant la limite entre les statuts professionnels. Bien qu'uni à un donneur d'ordre par un contrat commercial de prestation de services, le travailleur indépendant se trouve dans une relation de quasi subordination" (ibid. p.11 LENTIC, 2004).
Le modèle dual se transforme à des degrés divers dans des relations triangulaires, entraînant un déplacement du lien de subordination, rendant problématique la protection juridique des travailleurs (ibid. p.13 LENTIC, 2004),
L'évolution de la sous-traitance, dans le cadre des prestations de service transnationales, réinterroge également le périmètre des parties prenantes. Avec le développement d'une forme de sous-traitance dite "économique", "tirant parti de l'externalisation dans un contexte organisationnel et contractuel constamment renégociable, au travers de la mise en concurrence permanente des entreprises sous-traitantes" de nouveaux acteurs apparaissent, fonds d'investissement, general contractors, … qui, de fait, externalisent les risques et détiennent des leviers d'action…
Comment identifier ces acteurs tiers qui s'interposent entre le client et l'entrepreneur général ?
Comment les mobiliser pour une responsabilisation en matière sociale, une prise de conscience, alors même que leur logique d'action est d'abord financière ?

Article du LENTIC

Agir sur les déterminants des prestations de service

Anticiper, prévenir, c'est aussi s'interroger sur la possibilité d'agir sur les déterminants des prestations de services. En termes de constats, certains d'eux sont clairement mis en lumière à travers les initiatives et les cas mis en débat dans les ateliers du projet :
  • réduction des coûts et la recherche d'une "main d'œuvre à bon marché" pour reprendre les propos de Jan Cremers,


     
  • besoins en ressources humaines pénurie de main d'œuvre, qualification des travailleurs, mais aussi connaissance insuffisante des obligations juridiques par les prestataires, qualités de gestionnaires,
  • nature des montages juridiques et économiques dans l'agencement des systèmes productifs.

     

"A la recherche de main d'œuvre bon marché en Europe – conditions de travail et de vie des travailleurs détachés " CLR Studies 6 2011

Plusieurs pistes "préventives", ont été évoquées par les partenaires du projet :
  • agir sur les conditions d'établissement des prestations par la prise de conscience des "coûts cachés" et des externalités négatives qu'induisent les stratégies de "moins disant social", par la coopération entre acteurs favorisant des relations mutuellement plus satisfaisantes pour les parties contractantes

     
  • agir sur un périmètre européen concernant les grandes opérations de construction que l'on peut qualifier d' "EURO projets" en recherchant les effets de connexité dans l'organisation de ces marchés,


     
  • agir sur la qualification des travailleurs comme levier d'action pour développer la performance et la qualité des ressources humaines (cf. l'initiative sectorielle SASeC en Roumanie - les partenaires sociaux, porteurs du projet, recherchent des modalités d'intégration du dispositif avec des systèmes dont les finalités sont analogues dans l'espace européen)
     
  • agir en s'appuyant sur les conditions de réalisation du travail par la prévention des risques professionnels (cf. l'exemple des travaux d'abattage de la forêt pour lesquels la dangerosité et la pénibilité du travail place les questions de Santé et de Sécurité au Travail comme incontournable

Site OL3 Finlande

Initiative SASeC Roumanie

Travaux forestiers France

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