Euro Détachement

 

L'impératif des coopérations administratives

Le détachement des travailleurs en Europe est un phénomène complexe qui croise des enjeux économiques, sociaux et juridiques. Il prend son origine dans les stratégies même des entreprises, dont on peut distinguer deux grandes logiques :
 
  • la recherche d'un avantage concurrentiel lié aux compétences et la gestion des ressources humaines (notamment, disposer de compétences rares ou non disponibles localement, faire face aux pénuries de main d'œuvre) - les prestations de services transnationales, la mobilité intra-groupe, et plus généralement la mobilité des travailleurs contribuant dans cette logique à dynamiser le développement économique et social,
     
  • la recherche d'un avantage concurrentiel basé sur l'abaissement du coût du travail - cette logique pouvant conduire à des stratégies de "dumping social".
Comme le souligne Jan Cremers, "aujourd'hui, l'utilisation du mécanisme de détachement s'étend du partenariat de longue date normal et honnête entre les partenaires contractants aux pratiques de fausses sociétés-écrans en matière de recrutement de main d'œuvre uniquement"

Détachement des travailleurs : problèmes d'application de la réglementation et défis - Jan Cremers, expert CLR


Ces logiques se déploient dans des schémas organisationnels variés et, dans ans plusieurs secteurs, les conditions dans lesquelles s'organisent les prestations de service se caractérisent aujourd'hui par l'externalisation des activités conduisant à des chaines de sous traitance qui se recomposent en permanence.

Prenons l'exemple du secteur de la construction
Ceci est le schéma d'une opération de construction.
Les grandes entreprises emploient des salariés qualifiés, chargés des tâches de planification, de coordination et de contrôle, tandis que le développement de la sous-traitance de main d'œuvre, conduit à une forte fragmentation de petites entreprises ou d'indépendants dans lesquelles les salariés s'avèrent vulnérables du point de vue de leurs conditions d'emploi et de travail.
Ces changements s'effectuent suivant des modalités complexes difficiles à appréhender et donc à contrôler.

La sous-traitance "fonctionnelle", forme "classique" dans le bâtiment, permet à des entrepreneurs de sous-traiter des compétences spécifiques qui ne constituent pas le cœur de métier (sous-traitance de spécificité) ou d'externaliser des travaux en cas de pic d'activité (sous-traitance de capacité).
La sous-traitance "économique", historiquement amorcée au début des années 1980, s'accompagne d'un recentrage du métier d'entrepreneur autour de l'activité de coordination et d'une réduction significative de la taille des entreprises dans le secteur.
Elle est le corollaire de l'accroissement et de l'internationalisation de la concurrence. L'entrepreneur est plus un ensemblier qui cherche à accroître son efficience économique par une mise en concurrence constante et maximale des entreprises sous-traitantes. La stratégie est centrée sur la réduction des coûts (coûts salariaux, matières premières) pour renforcer la compétitivité de l'entreprise sur les marchés, en mettant à profit les différences entre territoires. Les réseaux de sous-traitance s'inscrivent aujourd'hui également dans un autre modèle dit de "sous-traitance financière" (sur ce point, voir "Le travail sans la GRH : le secteur du bâtiment à l'heure de la sous-traitance financière"
Lentic, HEC - Ecole de Gestion de l'Université de Liège XVIIe Congrès de l'AGRH, 2006).
On assiste alors au développement d'intermédiaires tel que des "project managers" qui sont des acteurs extérieurs au secteur et qui dégagent des marges bénéficiaires de par leur seule aptitude financière à placer l'entrepreneur général en position de subordination contractuelle".
Ci-joint l'article

"Lentic"

Des pourvoyeurs de main d'œuvre apparaissent et des logiques visant à mobiliser une main d'œuvre bon marché afin de la mettre à disposition là où on le souhaite. Des filières se développent, des organisations se déploient d'un pays à l'autre. Ces situations rendent plus complexe encore le contrôle et la surveillance des milieux de travail car les lieux de décisions sont difficiles à cerner, la multiplication des parties prenantes de ces opérations brouille les repères habituels des services de contrôle.
L'analyse est d'autant plus difficile qu'on ne peut plus aujourd'hui établir de "modèle type" et qu'il faut donc trouver de nouvelles clés de lecture, de nouvelles manières d'agir.
L'enjeu d'un contrôle efficace est alors de mieux comprendre les organisations productives à l'origine de la situation de détachement et les combinaisons juridiques et économiques des prestations de services dans leur dimension transnationale.
Pour comprendre cette "nébuleuse", pour repérer les bons interlocuteurs, trouver les leviers pertinents pour agir, s'assurer des suites de leurs actions et de leur impact sur la situation des travailleurs, les services de contrôle doivent donc en passer par des investigations et des coopérations avec les autorités publiques du lieu d'établissement des entreprises ou du pays d'envoi des travailleurs détachés.
C'est pourquoi le constat partagé des participants au projet est que l'efficacité du contrôle et de la surveillance ne peut être détachée de celle de la coopération administrative transnationale et des échanges d'informations entre les différentes autorités publiques.
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La difficile articulation des systèmes nationaux de contrôle


Quels systèmes d'acteurs pour agir ?

Les systèmes administratifs de contrôle sur le champ des conditions de travail et d'emploi, de la protection sociale ou sur le plan fiscal, de même que la répartition des rôles entre l'Etat et les partenaires sociaux, se sont construits au fil du temps en fonction de l'histoire économique et sociale de chaque Etat membre.
Ces systèmes nationaux ont leur propre cohérence lorsqu'il s'agit de contrôler des situations internes mais sont bousculés par le développement des prestations de services transnationales.
Certains systèmes d'inspection du travail sont "généralistes", c'est à dire qu'ils ont compétence pour intervenir sur l'ensemble des champs : salaires, durée du travail et santé sécurité au travail (Luxembourg, Pologne, Portugal, Roumanie, France…). Plus intégrée encore, l'inspection en Espagne couvre également le champ de la sécurité sociale.
D'autres ont compétence uniquement sur le champ de la santé et sécurité au travail et n'ont donc pas de capacité à contrôler les relations de travail dans le cadre du détachement (Danemark).
Il existe également des modèles "mixtes", comme en Finlande, où l'inspection du travail est en principe "généraliste" mais dispose de forts moyens de contrôle uniquement dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail. En termes de surveillance des conditions d'emploi et des conventions collectives d'application générale, les moyens de contrôle de l'inspection du travail finlandaise sont principalement la rédaction d'avis à l'employeur ou de rapports d'infraction à la police.
En Belgique, il existe une autorité compétente sur le champ des "lois sociales et du dialogue social" et une autorité compétente sur le "bien-être au travail".
Ces différences ont un impact direct sur les échanges d'information, sur la nature des contrôles opérés par l'autorité du pays d'accueil et donc sur les questions qu'elle pose lorsqu'elle interroge une autre autorité publique via le bureau de liaison.
De la même manière, la capacité à répondre pour l'autorité interrogée va être limitée ou demander des délais importants s'il faut aller chercher des réponses vers d'autres administrations lorsqu'elle n'a pas la compétence requise.
Dans certains pays, ce sont les partenaires sociaux qui ont pour rôle de faire appliquer les conventions collectives (comme au Danemark par exemple), notamment les salaires minimum conventionnels.
Les partenaires sociaux ont également en Finlande un rôle important en s'assurant que les conventions collectives sont appliquées. Les partenaires surveillent à la fois les conventions collectives d'application générale et les autres conventions collectives qu'ils ont signées (l'inspection du travail finlandaise surveille également le respect des conventions collectives d'application générale).
Certains bureaux de liaison sont de fait institutionnellement attachés à des autorités administratives qui n'ont pas compétence pour conduire des investigations sur le champ du détachement des travailleurs.
Dans ces pays, la constitution du bureau de liaison et son "portage" au plan institutionnel reste une question ouverte, comme au Danemark par exemple, avec la primauté du partenariat social.
Enfin, certains Etats membres rencontrent des difficultés pour répondre aux demandes d'information, soit lorsqu'il n'y a pas d'autorité compétente pour conduire les investigations nécessaires sur les salaires, ou sur le statut des entreprises ou des travailleurs par exemple, soit parce que les moyens organisationnels des autorités compétentes rencontrent des limites budgétaires.

Comment articuler les pratiques de contrôle ?

- Les pratiques des agents sur le terrain dépendent à la fois des situations qu'ils rencontrent mais aussi des orientations stratégiques de leurs administrations, et les ateliers transnationaux ont mis en lumière une grande hétérogénéité des pratiques de contrôle.
Elles se déploient sur tous les champs du "noyau dur" de la Directive de 96 : certains Etats membres s'attachent aux régularisations de salaire comme la Belgique par exemple ; d'autres ont pour priorité la lutte contre le travail illégal comme en France, au Luxembourg ou l'économie souterraine ("shadow economy") comme en Finlande.
Dans certains secteurs, comme sur la filière bois en France, c'est l'absence de qualification des travailleurs bulgares affectés à des tâches de bucheronnage et la multiplication des accidents graves ou mortels qui motivent les contrôles. En outre, la réalité du terrain témoigne que les prestations transnationales et les prestataires de main d'œuvre ne s'arrêtent pas à la frontière de l'Europe. Dans les pays limitrophes à l'Union européenne comme la Lituanie, l'Estonie, le Portugal ou la Roumanie, les autorités de contrôle sont de fait confrontées à des prestataires et des travailleurs de "pays tiers" (venant par exemple d'Ukraine ou du Maghreb), ou même, phénomène émergent, de pays du Sud Est asiatique comme pour la culture des roses au Portugal ou les travaux publics en Pologne…
- Elles dépendent également des cadres juridiques nationaux et des pouvoirs des services de contrôle : Conventions collectives d'application générale ou non, statut des travailleurs, obligations des entreprises…
Ces différences de cadres juridiques au plan national posent des problèmes d'interprétation partagée de la norme, notamment du "noyau dur" de la Directive (salaire minimum, statut des travailleurs indépendants, etc…).
Les compétences pour agir au plan pénal ou administratif influent sur la nature des investigations et la nature de la demande l'information que formule l'autorité publique (par exemple, la possibilité de mettre en cause le donneur d'ordre dans les pays où cette possibilité existe).


Concernant les réponses, de l'autre côté de la frontière, les documents ne sont pas nécessairement accessibles ou sont inexistants. Certaines informations ne peuvent pas être communiquées par l'autorité interrogée (en particulier si cette autorité n'a pas de pouvoir d'investigation sur les prestations de service par exemple ou concernant les travailleurs indépendants).
Les investigations ne peuvent alors se poursuivre, et les services de contrôles de l'autorité demandeuse peuvent se retrouver dans des impasses et voire leur action s'éteindre.
Sur l'impact des contrôles et la diminution des fraudes, l'analyse des participants est que le bilan est mitigé. Il est cependant "intuitif "et" subjectif" et tiré de leurs pratiques car nous n'avons pas pu récolter de données suffisamment objectivées sur ce sujet.
Il existe plusieurs outils juridiques et un premier recul au cours des ateliers transnationaux tend à montrer que les procédures pénales rencontrent des difficultés pour aboutir, à part quelques jugements spectaculaires ou quelques procédures très médiatisées.
En effet, les autorités de l'Etat d'accueil ne peuvent agir à l'encontre d'une entreprise étrangère que pour autant qu'elle soit encore sur le territoire.
Inversement, les autorités de l'Etat d'envoi ne sont pas compétentes pour faire appliquer les règles sociales de l'Etat d'exécution de la prestation mais uniquement celles applicables sur leur territoire.
Cette faille est parfaitement utilisée avec la volatilité des entreprises prestataires qui organisent leur process sur différents EM, échappant ainsi aux suites judiciaires.
Certains pays ont mis en œuvre une responsabilité solidaire des donneurs d'ordre qui est un acteur levier central dans les opérations de détachement, ce qui permet de garder un moyen d'action dans le pays concernés.
Cette question fait débat en Europe, notamment à l'occasion des discussions autour du nouveau projet de Directive
le projet de Directive d'application de la Directive 96/71/CE

l'analyse d'impact
Les contrôles les plus efficaces en termes d'impact semblent être ceux attachés à la santé et sécurité au travail pour lesquels les inspecteurs du travail ont des pouvoirs plus étendus pour agir directement sur les situations alors que l'entreprise est encore présente (sanctions administratives).
Néanmoins, certains pays comme la Belgique ont acquis un savoir-faire en matière de régularisation de salaire (2.017.064 € au total de régularisation de salaire en 2011) et une capacité à suivre les dossiers dans le temps (avec la Pologne par exemple).

Quels moyens du contrôle à venir ?

Les Etats membres sont garants sur leur sol de l'effectivité de la Directive de 96 et de la protection des travailleurs, mais ils ne peuvent pas pour autant mettre en œuvre ou imposer aux prestataires étrangers des contraintes en matière de contrôle qui porteraient atteinte à la liberté de prestations de services (CSCE du 23 novembre 1999, C-369/96 et C-376/96, Abade).


Le projet de Directive d'application de la Directive 96/71/CE reprend aux articles 9 et 10 ces obligations.
Il précise de manière limitative le type de mesures administratives possible pour exercer le contrôle à partir du pays d'accueil.
La CJCE a condamné certaines pratiques relatives aux déclarations préalables par exemple ou aux contraintes fixées par les cadres nationaux sur les prestataires de service (Luxembourg, Belgique).
Il s'agit donc pour les autorités concernées de s'adapter aux évolutions des organisations productives tout en respectant les limites fixées par le cadre européen avec comme impératif de modifier les moyens juridiques mis à disposition de leurs agents sur ce champ.
Ces condamnations ont semé le trouble chez les agents de terrain qui doivent alors réorienter leurs pratiques professionnelles tout en étant confrontés à des situations plus complexes sur le terrain.
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Des leviers, source d'efficacité

Pour autant, l'analyse partagée des pratiques ouvre des pistes qui permettent une meilleure efficacité.

IMI : un outil structurant

Tous les pays partenaires du projet utilisent l'application pilote IMI (Internal market information system) qui permet d'identifier la bonne administration partenaire d'un autre Etat et de communiquer avec elle sur des questions standard relatives au détachement.
IMI améliore la rapidité des échanges d'informations même si les participants au projet soulignent que les délais de réponse peuvent varier. Le temps passé pour apporter une réponse peut dépendre des ressources et de la compétence de l'inspection et de la législation de l'Etat membre.
IMI structure la mise en place des bureaux de liaison dans certains pays (Estonie, Lituanie).
Cependant, les parties prenantes du projet sont différemment outillées : ainsi seules les administrations publiques chargées de missions légales ont accès à IMI.
Elles sont également les principales bénéficiaires des accords bilatéraux de coopération qui visent à activer et renforcer les échanges. Ces derniers ont incontestablement amélioré la qualité et les délais des réponses fournies.
Ces outils permettent de rechercher des informations sur les entreprises prestataires (existence juridique, activité déclarée et effective), le personnel détaché (contrats de travail, salaires, affiliation à la sécurité sociale), la règlementation applicable dans l'Etat d'envoi, etc…
L'existence de ces échanges, notamment lorsqu'ils portent sur les entreprises prestataires et sur leurs éventuelles activités illégales, a éveillé l'intérêt des organisations patronales: les entreprises sont, dans certains Etats membres, solidairement responsables en cas de défaillance du prestataire ; accéder à certaines données leur permettrait donc de sécuriser leurs opérations de sous-traitance.
Elles pourraient, soit les demander aux bureaux de liaisons chargés d'une mission d'information, soit faire valoir l'article 12 et le considérant 17 du Règlement N° 1024/2012 du 25 octobre 2012 pour obtenir une évolution des fonctionnalités d'IMI :
"Bien que l'IMI soit, par essence, un outil de communication réservé à la coopération administrative entre autorités compétentes et non accessible au grand public, il peut se révéler nécessaire de mettre au point des dispositifs techniques qui permettent à des participants externes, tels que des citoyens, des entreprises et des organisations, d'interagir avec les autorités compétentes afin de fournir des informations, de récupérer des données ou d'exercer leurs droits en tant que personnes concernées. Ces dispositifs techniques devraient prévoir des garanties appropriées en matière de protection des données. Afin de garantir un niveau élevé de sécurité, les interfaces publiques de ce genre devraient être élaborées de manière à être totalement indépendantes, sur le plan technique, de l'IMI, auquel seuls les utilisateurs IMI devraient avoir accès".
Ainsi, une demande forte des organisations patronales émerge sur l'accès pour les employeurs à certaines données concernant la régularité des prestataires avec lesquels ils envisagent de contractualiser.

Bureau de liaison Estonie

Bureau de liaison Lituanie

Bureau de liaison Finlande

De nouvelles organisations orientées sur les coopérations administratives

La nature des investigations sont différentes selon que les autorités compétentes agissent à partir du lieu de travail en tant que pays destinataire de l'entreprise prestataire et de ses salariés détachés ou à partir du lieu d'origine des entreprises ou des travailleurs concernés.
D'un côté, il s'agit de procéder au contrôle ou à la surveillance des lieux où s'exécute le travail et de mettre en œuvre des moyens efficaces pour obtenir des régularisations ou des sanctions ; de l'autre, il s'agit de mener des investigations adéquates pour répondre aux demandes d'information et de s'assurer des régularisations.
La compréhension de cette nécessaire articulation permet que se mette en place une meilleure coordination en interne visant à appuyer les coopérations administratives.
 
Certains pays renforcent la pertinence des informations échangées en consolidant la liaison entre le ou les bureaux de liaison et les autorités de contrôle des lieux de travail.
Cette liaison permet d'orienter les investigations de manière plus précise, de cibler les questions pertinentes et de se tenir mutuellement informés des suites des contrôles et des régularisations opérées.
Ces organisations coordonnées permettent de trier la nature des demandes et de les traiter de manière différentes en distinguant ce qui relève par exemple d'une simple demande d'information sur l'immatriculation d'une entreprise (accessible sur un site internet) et ce qui demande de conduire des investigations plus approfondies sur des dossiers complexes.
  • Des "cellules de contrôle" spécialisées dans la lutte contre la concurrence déloyale comme en Belgique par exemple, effectuant un nombre suffisant de contrôles augmente la pertinence et l'efficacité des contrôle et renforce l'expertise des services de contrôle.

    Bureau de liaison Belgique


     
  • Des organisations "en réseau" s'appuyant sur des inspecteurs du travail relais, comme en Pologne, favorisent une meilleure qualité de réponse et une meilleure réactivité dans les échanges

    Bureau de liaison Pologne


     
  • Des bureaux déconcentrés comme en France ou un bureau de liaison intégré aux services de contrôle comme au Luxembourg favorisent la rapidité des échanges de part et d'autre des frontières et permettent d'organiser des contrôles coordonnés ciblés.

    Bureau de liaison France


     
  • En Finlande, il y a eu des discussions préliminaires pour placer dans le futur le bureau de liaison dans quelques inspectorats du travail (agences administratives régionales). En outre, les agences administratives régionales commencent à utiliser le système IMI au cours de l'année 2013 afin d'ancrer le processus d'échange d'information.

    Bureau de liaison Finlande


     
  • La Roumanie envisage de déconcentrer les utilisateurs IMI vers les inspectorats régionaux afin de mettre en place un cadre général le plus efficace possible dans les échanges d'information.

    Bureau de liaison Roumanie


     
On observe donc que certains systèmes de contrôle mettent en place des organisations en interne qui augmentent la performance des coopérations avec les autres pays.
Des opérations en "va et vient" suivies dans le temps peuvent alors se développer témoignant de pratiques de contrôle "transnationales" sur certains dossiers qui ont un impact sur la situation des travailleurs en menant à bout des régularisations de salaire par exemple

Une meilleure coordination de l'action des autorités publiques

Question centrale dans ces problématiques de dumping social, les coopérations entre les autorités publiques (travail, protection sociale et autorité fiscale) se mettent en place de manière plus ou moins formalisée au sein des pays partenaires du projet.
Que ce soit au sein de dispositifs interinstitutionnels comme au Luxembourg (CIALTI), en Belgique (SIRS), en France (DNLF) ou sous la forme d'accords de collaboration comme en Roumanie par exemple, ou de manière plus informelle comme en Finlande, Lituanie, ou Estonie, un consensus fort apparaît sur la nécessité de mettre en place cette coordination de manière opérationnelle.
Elle passe par la définition de stratégies d'action cohérentes en termes d'objectifs, de cibles, d'impacts attendus et par la mutualisation de l'information et des données.

Site OL3 Finlande

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Repérer, mutualiser : des outils d'appui au contrôle

Repérer les lieux de travail : la déclaration préalable au détachement :

Ces déclarations permettent de mesurer de manière plus précise le nombre d'interventions des entreprises étrangères prestataires de services et son évolution, et le nombre de salariés qu'elles déclarent détacher.
Elles permettent de cerner les caractéristiques de ces détachements : nationalité, durée des interventions, secteurs d'activité, qualification des salariés.
Mais elles permettent également de localiser les lieux de travail des travailleurs détachés, de repérer les opérations importantes, de recueillir certaines données sur les entreprises et sur les travailleurs.
Elles favorisent l'émergence de stratégies de contrôle plus élaborées, par secteurs d'activité, par filières, par territoires, ou même par opérateurs lorsque cela s'avère nécessaire, et orientent les actions de contrôle et de surveillance en développant par exemple des actions "ciblées".

Bureau de liaison Belgique

Bureau de liaison France

Partager des informations ou des données

Le projet a permis aux différentes parties de présenter leurs actions, leurs outils, leurs partenariats. Le détachement étant par essence une opération transfrontalière, chaque acteur, selon ses fonctions et les outils à sa disposition, a tenté d'y faire face, en développant des coopérations à l'échelle internationale avec ses homologues ou sur un territoire géographique donné avec l'aide d'autres parties (organisations patronales, syndicales, administrations publiques).
L'efficacité des corps de contrôles supposerait de pouvoir interroger une base de données établie à l'échelle de l'UE dans laquelle seraient répertoriées toutes les entreprises impliquées dans des activités illégales. Ce serait une première étape avant de pouvoir accéder à une base de données répertoriant toutes les entreprises en activité. La proposition de Directive d'application actuellement en cours de discussion tente un compromis sur cette question: le §6 de l'article 6 stipule: "Les États membres veillent à ce que les registres dans desquels les prestataires de services sont inscrits, qui peuvent être consultés par leurs autorités compétentes nationales, puissent aussi être consultés dans les mêmes conditions par les autorités compétentes d'autres États membres".
Les partenaires sociaux de certains Etats membres ont soulevé leur manque de moyens pour assurer une aide efficace à leurs adhérents, voire aux non adhérents.
Un axe de travail consisterait donc à partager l'information entre les parties poursuivant des objectifs communs, telle que la prévention de la fraude sociale et du travail illégal à laquelle chaque partie est intéressée dans la mesure où elle fausse les conditions d'une concurrence loyale entre entreprises, prive les salariés de leurs droits et les administrations publiques des ressources nécessaires à l'exercice de leurs missions.
Les expériences nationales montrent que cette coopération est parfois déjà effective.
En Belgique les administrations publiques mobilisées dans la lutte contre le travail illégal (Service Public Fédéral Emploi, Travail et Concertation sociale, Service Public Fédéral sécurité sociale, Office National de sécurité sociale, Office National de l'Emploi) ont, le 22 juin 2012, signé avec les organisations patronales et syndicales du secteur de la construction, une accord de collaboration en vue de lutter contre la fraude sociale et le travail illégal dans le secteur de la construction. Cet accord fait suite à des accords de même type sur des territoires plus restreints.

Convention Hainaut Belgique

En Finlande, à la fois les administrations publiques et les partenaires sociaux ont des fonctions de contrôle. Ils ont leur propre champ de compétence, mais ils partagent le même but : le respect des réglementations du travail, de la sécurité sociale et fiscale. Les partenaires sociaux de la construction rencontrent régulièrement les différentes autorités et agissent ensemble pour garantir l'application des réglementations et pour lutter contre l'économie grise.


Partager des outils

Certains Etats membres tentent de répondre à ces enjeux par la mise en œuvre de bases de données alimentées par les déclarations de détachement des entreprises impliquées dans des opérations transfrontalières (Belgique) ou par les déclarations fiscales obligatoires (Finlande).
La Belgique a mis en œuvre une base de données des entreprises prestataires et de leurs salariés permettant de contrôler leurs activités (identités, dates d'intervention, lieux de travail, couverture sécurité sociale). Ces données collectées via l'interface Limosa sont mutualisées entre administrations publiques nationales, permettent de répondre aux interrogations des homologues étrangers et sont utilisées par les corps de contrôle dans le cadre du détachement. Elles ne sont pas traitées pour en permettre un accès public. L'outil est d'une remarquable efficacité et l'observateur ne peut que s'interroger sur l'absence de déploiement de cet outil vers d'autres administrations publiques d'autres Etats membres partageant les mêmes objectifs…
En Finlande, un registre de l'administration fiscale centralise tous les numéros fiscaux attribués aux personnes travaillant en Finlande dans le secteur de la construction (nationaux et étrangers, permanents ou détachés). Ce registre est public et accessible par internet ; il permet donc à un maître d'œuvre, un sous traitant, un employeur de vérifier que les salariés présents sur le chantier de construction sont régulièrement enregistrés; à défaut ils ne peuvent accéder ou travailler sur un chantier.

Bureau de liaison Finlande

Surveiller l'accès aux lieux de travail

En Finlande la législation relative à la santé et à la sécurité au travail impose à chaque contractant, maître d'œuvre, employeur de veiller à ce que toute personne travaillant sur un chantier de construction porte une carte d'identification (nom, photo, numéro fiscal, qualité de salarié ou travailleur indépendant, également nom de l'employeur). L'obligation de porter une carte d'identification pour tous les sites de construction a été mis en place en Finlande à partir de 2006. Depuis 2013, le numéro fiscal (inscrit dans le registre public des numéros fiscaux) est une information obligatoire figurant dans la carte d'identification.
Conformément à la législation finlandaise sur la santé et la sécurité au travail, le maître d'œuvre doit maintenir à la disposition de l'inspection du travail une liste de tous les personnes travaillant sur le chantier de construction. Cette obligation sera réaffirmée et plus détaillée avec une nouvelle législation qui entrera en vigueur le 1er juillet 2014. En outre, conformément à la nouvelle législation fiscale finlandaise, le maître d'œuvre doit communiquer aux autorités fiscales finlandaises des informations très détaillées sur les employeurs et les personnes travaillant sur le chantier de construction. Cette obligation sera effective le 1er juillet 2014.
Le principe d'un enregistrement systématique des personnes présentes sur un chantier de construction a également été acté en Belgique par une loi du 27 décembre 2012. Le couplement de cette obligation avec le port d'un badge est en cours de discussion.
Registres nationaux et badges sont deux modes de diffusion de l'information orientés vers le contrôle et la lutte contre l'économie grise.
Ces outils sont certes à la disposition des corps de contrôle mais leur efficacité est améliorée par la collaboration des partenaires sociaux telle qu'elle est organisée par des accords de partenariat en Belgique.
L'existence de ces registres ne suffit pourtant pas à elle seule à garantir le bon déroulement des opérations de détachement. La construction du site de construction de la centrale nucléaire d'Olkiluoto3 en Finlande a introduit le détachement de salariés à grande échelle sur le territoire national et déstabilisé un modèle fonctionnant sur le contrôle des entreprises par les organisations syndicales. La quasi-absence d'entreprises finlandaises affiliées à l'organisation patronale a indubitablement concouru à l'ampleur des irrégularités relevées sur le chantier et accessoirement conduit à écarter les fournisseurs Areva/Siemens pour la construction du nouveau projet de construction de la centrale nucléaire à Pyhäjoki. Site OL 3 Finlande

Avantage et limite d'un outil commun à tous : les imprimés A1 (E 101)

Ce sont les documents délivrés par les régimes de sécurité sociale de l'Etat d'établissement du prestataire/employeur de la main d'œuvre détachée. Ils attestent que l'employeur cotise dans l'Etat d'origine et que les salariés sont donc couverts par un régime de sécurité sociale, en d'autres termes que la main d'œuvre est déclarée.
Dans certains pays ce sont les seuls outils qui permettent de suivre les évolutions des situations de détachement, et là encore un consensus se dégage sur le fait que les formulaires A1 font l'objet d'une sous déclaration qui ne permet pas de rendre compte du phénomène.
Néanmoins, ils sont exigibles par les autorités de contrôle de l'Etat d'exécution de la prestation de travail et l'absence de ces documents fait suspecter du travail illégal.
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Quelques leviers repérés pour améliorer les coopérations administratives :

  • IMI : un outil structurant

  • Vers de nouvelles organisations orientées sur les coopérations administratives

  • Vers une meilleure coordination de l'action des autorités publiques

  • Repérer, mutualiser : des outils d'appui au contrôle


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